"Par les villages" au Théâtre de la Colline

par Esther 29 Novembre 2013, 17:03 Scènes

"Par les villages" au Théâtre de la Colline

« La fête est finie »

Présentée cet été au festival d’Avignon dans la cour du palais des Papes, la mise en scène de la pièce du dramaturge autrichien Peter Handke « Par les villages » de Stanislas Nordey était attendue.Le metteur en scène, habitué de la Colline, s’empoigne de ce texte éminemment politique de l’auteur polémique pour en faire ce qu’il nomme « une épopée ».

Un frère, devenu écrivain et citadin, revient dans son village d’origine rendre visite à sa « prolétaire » de famille : son frère Hans et sa sœur Sophie, ouvriers dans sur le chantier du village. Constituée en grande partie de monologues, la pièce s’annonce comme la confrontation de deux mondes au sein de la cellule familiale : bourgeoisie contre prolétariat. Le texte, écrit en 1981, nous frappe par son didactisme et son aspect manichéen. S’en dégage un manque évident de théâtralité : de gestes, de mouvements, d’échanges entre comédiens. Cette mise en scène statique rappelle celle de Nordey des « Justes » de Camus présentée en 2009 dans ce même théâtre. Le metteur en scène s’engouffre dans la brèche de ce théâtre de la parole, dirigeant de façon monolithique ses comédiens et lui-même, dans le rôle de Hans. Le décor imposant composé de blocs de ferrailles disposés en arc de cercle, sûrement pour rappeler l’amphithéâtre antique, constitue à renforcer l’incapacité des comédiens à jouer les uns avec les autres, à se mouvoir et à échanger. Chacun prend la parole l’un après l’autre, s’adressant au public sans prendre en compte les personnages présents sur le plateau.

Si Nordey se défend de s’être inspiré de Brecht, le spectateur ne peut éviter de songer à cette fameuse « distanciation » qui rend le spectacle imperméable à toute émotion. Accusations permanentes du public bourgeois, diction outrageusement hachée des comédiens, tout est fait pour nous incriminer, nous nantis, nous citadins. Aucune empathie envers le peuple des prolétaires néanmoins, ceux à qui Hans souhaite redonner un nom.

A coup de lourdes questions métaphysiques telles que : « Est-ce que le peuple ne se construit pas lui-même ? » ce théâtre, in fine, poussiéreux et désespérément immobile, ennuie, agace et peine à justement trouver son souffle épique. Théâtre sans corps et désincarné, le spectateur s’ennuie, le public grogne et s’endort autour de nous. 3h30 d’ennui d’où l’on sort avec cet étrange sentiment d’avoir sans cesse été pris à parti sans pour autant avoir été impliqués dans cette représentation.

Comme le déclame Hans dans son (interminable) monologue central : « La fête est finie. »

« Par les villages » de Peter Handke mise en scène de Stanislas Nordey

Jusqu’au 30 novembre au théâtre de la Colline

Avec Stanislas Nordey, Emmanuelle Béart, Claire Ingrid Cottenceay, Laurent Sauvage…

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