La monumentalité FIAC

par Marie 29 Novembre 2013, 16:53 Galeries

Les foires d’art contemporain pullulent depuis plusieurs années, partout dans le monde rendant le caractère « globalisé » de l’art contemporain palpable même dans son exposition. Il n’est pas facile pour les foires de se faire connaître et d’attirer les collectionneurs lorsqu’elles sont jeunes ou de garder leur statut international et brillant lorsqu’elles sont reconnues.

L’ensemble des foires forme un réseau. Réseau géographique, réseau économique et réseau social se créent à travers ces différentes foires. Après un « passage à vide » la FIAC redore son image internationale avec à sa tête Jennifer Flay dont les choix, en partie contestés, ont eu pour objectif de rendre à la foire parisienne l’aura perdue des premiers temps. L’arbre d’Ai Weiwei, tant par sa monumentalité que par son emplacement (accueillant le visiteur dès qu’il franchit la porte) est comme une métaphore de la volonté de puissance de la foire.

La monumentalité FIAC

Mais est-ce que ce pari a été tenu ?

Il est certain que la capitale a été investie, plus que les années précédentes avec des installations qui voulaient faire parler d’elles, comme celle de Kawamata sur la place Vendôme qui exposait aussi dans la Nef, notamment chez Annely Juda Fine Art, qui avait pris soin d’accrocher l’œuvre aux yeux de tous, sur la cimaise extérieure du stand.

Cette volonté de s’ancrer dans l’actualité de l’art contemporain était visible chez de nombreux galeristes : Poliakoff faisait l’objet d’un one man show chez Applicat-Prazan alors que le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris commence une rétrospective de l’artiste, le Piss Christ d’Andres Serrano chez Yvon Lambert alors que l’année dernière en Avignon l’œuvre était victime de vandalisme de fanatiques catholiques, une sculpture au premier plan de Camille Henrot chez Kamel Mennour alors que l’artiste est récompensée par le lion d’argent à la biennale de Venise 2013.

Certes, ces choix faits par les galeristes tendent à montrer la FIAC comme un événement majeur qui s’inscrit dans la scène culturelle internationale mais permettent aussi, et surtout, de faire vendre et d’attirer les collectionneurs.

De la même manière, la présence des pièces monumentales qui offraient un parcours sculpture et installation des plus intéressant, peut laisser croire à une sélection d’œuvres de qualité. Mais ces pièces rythmaient la FIAC en attirant le regard de l’acheteur féru, ou non, d’art contemporain et moderne. De la grande nana verte de Niki de Saint-Phalle chez Vallois, au champignon de Carsten Holler chez Massimo De Carlo, en passant par la Ferrari de Lavier chez Yvon Lambert ou les coyotes de Dan Colen dans les parois même de Gagosian, les grands galeristes à la renommée internationale ont voulu impressionner et donner du volume à leur stand où tous les visiteurs s’arrêtaient interloqués ou admiratifs. Face à ce gigantisme des œuvres, se dresse la verrière du Grand Palais, tout aussi monumentale. Le message de la FIAC et des galeristes est clair : il faut taper dans l’œil, faire parler.

La monumentalité FIAC

Et c’est réussi, François Pinault achète la Ferrari dès le premier jour.

Pourtant la plus belle œuvre de cette édition 2013, selon moi, jouait justement sur l’invisible et l’insinuation. Eduardo Basualdo présentait chez PSM une installation composée d’une vitre sur laquelle l’artiste avait peint avec de la laque transparente un aigle. Une lumière se projetait sur la vitre et par diffraction, l’ombre de l’aigle invisible se reflétait sur le mur mitoyen. Une corde passait entre les deux espaces délimités par la vitre, en la traversant, faisant le lien entre l’intérieur et l’extérieur. Comme quoi, il n’est pas toujours nécessaire de faire dans la grandeur et le provocant pour produire une œuvre poétiquement et esthétiquement monumentale.

Alors oui, effectivement, le pari a été tenu : la FIAC est grande, belle, fait parler d’elle, attire toujours plus de monde. Mais la FIAC est aussi coupée du monde, elle ne s’adresse pas au grand public pourtant friand d’art contemporain. Le prix du billet d’entrée instaure dès le départ une inégalité culturelle. Loin de considérer la gratuité comme une fin en soi, afficher dès l’entrée que la volonté première de ce lieu est de vendre peut quelque peu laisser à désirer. Pourtant, en effet, nous ne sommes pas dans un musée et le commerce prend le pas sur le savoir, avec tout ce que cela peut contenir de dégénérescent pour la création artistique.

© Courtesy of the Tiroche DeLeon Collection and Art Vantage PCC Limited

© Courtesy of the Tiroche DeLeon Collection and Art Vantage PCC Limited

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