La fougue de Lars Vogt

par Dominique Vernier-Lopin 5 Octobre 2019, 16:09 Scènes

Théâtre des Champs-Élysées

Avec l’Orchestre de chambre de Paris

Jeudi 26 septembre 2019

 

 

Le programme est le suivant :

 

Wolfgang Amadeus MOZART

Symphonie n°25 en sol mineur, K. 183

Composée en 1773

 

Félix MENDELSSOHN

Concerto pour piano et orchestre n°1 en sol mineur, op. 25

Composée en 1831

 

Johannes BRAHMS

Symphonie n°4 en mi mineur, op. 98

Composée en 1885-1886

Lars Vogt est un chef d’orchestre ET pianiste allemand, né en 1970. Il s’est imposé comme l’un des musiciens majeurs de sa génération. En 2015 il est nommé directeur musical du Royal Northern Sinfonia au Sage Gateshead. Il se produit partout dans le monde. En mai 2019 il réalise une tournée très  remarquée en Allemagne et en France à la tête du Mahler Chamber Orchestra. Sa carrière de soliste l’entraîne dans le monde entier. Le très britannique critique du Guardian le décrit  ainsi : « C’est un interprète si communicatif, si hyperactif, que même lorsque ses mains sont occupées au clavier, il semble continuer à diriger l’orchestre avec les genoux. »

Les musiciens ont souhaité dédier ce concert à Jacques Chirac qui, maire de Paris, avait permis la création de l’Orchestre de chambre de Paris.

 La fougue de Lars Vogt

 

Symphonie n°25 de MOZART

 

 

Mozart n’a pas encore 18 ans. Il a déjà composé 25 symphonies.  Après les œuvres galantes de sa prime jeunesse, il se tourne résolument vers un répertoire plus dramatique, voire tragique. La K.183 est sa  première symphonie en mineur  et par les syncopes, dissonances, différences de dynamique et de rythme annonce la période du Sturm und Drang, le préromantisme  germanique, si bien illustré en littérature par Les Souffrances du jeune Werther de Goethe. Rappelez- vous les premières images du film Amadeus de Miloš Forman, lorsqu’on découvre le corps gisant de Salieri : c’est le début de la symphonie. De la gravité, de la douleur.

Cette symphonie tragique, rageuse,  lancinante se découpe en 4 mouvements. L’allegro con brio nous tient par son rythme haletant, d’une énergie confinant à la violence, soutenu par le hautbois et son chant nostalgique. Le deuxième mouvement, l’Andante, contraste avec l’impétuosité du début mais est aussi inquiétant. Le menuet qui suit est tout aussi nostalgique. L’Allegro final laisse passer des arpèges lancinants qui ajoutent à la tristesse de l’ensemble.

 

 

 

Concerto pour piano et orchestre n°1 de MENDELSSHON

 

 

Mendelssohn est un enfant prodige, comme Mozart. C’est un surdoué qui maîtrise 4 langues, écrit, peint, excelle dans l’art du piano et de l’orgue. Il compose son premier opéra à douze ans. Et ce premier concerto est écrit à 17 ans.

Mendelssohn est l’homme des paradoxes, écartelé entre le classicisme et le romantisme. Douceur et violence sont la marque de ce concerto.

Dans un premier mouvement, l’orchestre est tonitruant et le piano arrive avec une fougue tempétueuse pour finir par une harmonie entre l’orchestre et le piano.  Dans un deuxième temps les mouvements sont plus apaisés, confiants, mais dans le troisième mouvement la violence revient. Lars Vogt aime particulièrement ce concerto, œuvre poétique qui associe drame et poésie suivie d’un magnifique deuxième mouvement pour finir par un ultime mouvement plein  d’humour. Et c’est là que nous apprécions particulièrement le joué-dirigé de Vogt qui dirige l’orchestre tout en assurant un jeu de pianiste extrêmement engagé.  Il apprécie particulièrement de diriger les musiciens avec qui il joue tout en leur disant directement ce qu’il pense. Il parle d’une transmission de l’émotion qui ne passe pas forcément par la parole.

 

 

Symphonie n°4 de BRAHMS

 

 

Il ne s’agit plus là d’œuvres de jeunes surdoués tels Mozart ou Mendelssohn. Brahms a 52ans quand il dirige la symphonie n°4. Et cette œuvre est modérément appréciée. Dans les deux premiers mouvements on a  cru déceler l’influence de Dvořák. Le dernier mouvement est une chaconne, une série de variations sur un thème obstinément répété, 35 variations qui s’enchaînent, toujours renouvelés, dans un extraordinaire mouvement de suites imaginatives. Cette symphonie fait alterner la douleur d’un trop-plein de santé qui n’arrive plus à s’exprimer et la résignation dans les joies simples de la nature ; d’abord un thème d’une grande  beauté porté par une houle passionnée, puis une tension orageuse jusqu’à un coda dont le pathos est assez rare dans l’œuvre plutôt introvertie de Brahms. L’allegro , un entrain rustique puis une finale sous forme de passacaille.

 

Ce concerto avec Lars Vogt est un véritable enchantement. L’orchestre de chambre de Paris possède une réelle flexibilité, un véritable sens de l’expérimentation et le joué-dirigé de Vogt apporte un réel dynamisme au jeu de l’orchestre. C’est un plaisir d’assister à cette fusion entre le groupe et le soliste.

 

 

 

 

 

 

 

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