Film noir - Louxor - Volume 2

par Thomas Veret 24 Juillet 2014, 14:59 Ciné

Au Louxor, le film noir, cauchemar de Hollywood (1932-2001)

Paris, l’été, le cinéma... à quoi bon partir en vacances ? Les festivals se multiplient comme des petits pains à cette époque de l’année : les cinéphiles auront apprécié les exclusivités de Paris Cinéma, et le Cinéma en plein air de la Villette rouvre tout juste ses pelouses ! Entre les deux, les plus avertis ne seront pas passés à côté de la deuxième édition du festival « Film Noir » au Louxor, qui n’aura jamais autant mérité son titre de « Palais du cinéma ».

Il n’y a, en effet, rien de plus glamour que ce festival, qui permettra peut-être à ceux qui ne le connaissent pas encore, de découvrir ce cinéma de légende (dont la réouverture date seulement d’un an) et de prendre le frais dans la splendide salle Youssef Chahine. Le décor néo-égyptien y est magistral et sous l’œil énigmatique de bustes de pharaons, vous soupirerez de concert avec Humphrey Bogart dans Casablanca, car oui, il est ici questions de grands classiques. Certains ont forgé le genre du film noir : Assurance sur la mort, Laura ou même le Scarface d’Howard Hawkes. D’autres l’ont réinterprété avec brio : Chinatown, Mean Streets ou Miller's crossing. Tous n’y sont pas, mais la liste est bien assez longue pour dévoiler au spectateur la richesse d’un genre qui se renouvelle sans oublier ses classiques.

Film noir - Louxor - Volume 2

On ne peut que saluer une telle programmation, qui revient si bien sur les canons d’un cinéma américain façonné par le film noir et ses ambiguïtés. Prenons par exemple la figure de la femme fatale, souvent citée comme une des constantes du genre : qu’il s’agisse de Rita Hayworth (Gilda), de Barbara Stanwick (Assurance sur la mort) ou de Laura Harring (Mulholland Drive) , la femme fatale incarne à elle seule Hollywood, ses fastes et ses lustres. Comme Hollywood, la femme fatale joue adroitement des fantasmes humains et renvoie une image trompeuse de la réalité; elle aussi, elle fabrique du rêve. David Lynch ne s’y est pas trompé en disant de Mulholland Drive qu’« il s’agit du rêve de Hollywood ». La formule est plus subtile qu’il n’y paraît : Betty (Naomi Watts) rêve certes de Hollywood, l’histoire offre même un semblant de clarté là-dessus, mais l’onirisme de David Lynch va plus loin, car Mulholland Drive, c’est Hollywood qui rêve. De là, rien d’étonnant à ce qu’apparaissent ça et là la figure d’un cow-boy ou celle d’un émule de Don Corleone, joué par le fabuleux Angelo Badalamenti, compositeur fétiche de David Lynch.

Mais si Mulholland Drive est aussi glaçant, c’est que le film noir n’est pas tant le rêve de Hollywood que le grisant cauchemar d’une Amérique qui doute de ses repères. Ainsi, plus qu’un genre - limité par ses constantes - ou une simple esthétique - limitée par un style, le film noir relève davantage d’un prisme qui permettrait au spectateur d’aborder de biais ses propres hantises et celles de la société. Ainsi n’est-ce pas un hasard si l’âge d’or du film noir (les années quarante et cinquante) rend compte de bouleversements sociaux sans précédent et des nouvelles angoisses qui en émergent. À commencer par la place nouvelle de la femme dans la société: qu’est-ce en effet que la femme fatale, sinon l’inversion directe d’une logique patriarcale déjà doucement minée par la guerre ? Ce sont peut-être ces jeux de miroirs, soulignés par des jeux de lumières tout aussi fascinants, qui font du film noir la remarquable projection d’un regard sur le monde teinté d’angoisse et de résilience.

Des folies de Howard Hugues qui exigeait que les scènes de fusillade de Scarface (1932) fussent tournées à balles réelles au poème tragique qu’est Mulholland Drive (2001), cette pertinente sélection est donc l’occasion parfaite de célébrer quantité de chefs- d’œuvre et ainsi de revisiter le plus sombre du cinéma américain. Comme nous y invite le Palais du cinéma : « Play it again, Sam ! ».

Au Louxor – Palais du cinéma, 170 boulevard de Magenta 75010 Du 13 juillet au 19 ao^t 2014

commentaires

M
Allociné nous a trahis alors...
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C
Le Louxor vient de nous informer que Mulholland Drive, comme tous les autres films du festival, sont en VOSTFR.
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M
C'était pas trop la peine de mentionner Mulholland Drive le film passe en VF je sais pas qui voudrait voir ça et comment ils ont pu prendre une décision aussi stupide.
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L
Au passage, la réplique "play it again, Sam" n'est pas prononcée dans le film Casablanca. Uniquement "play it once, Sam"
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